Enquête sur des rencontres informelles tenues par le Conseil du Canton de The North Shore le 20 mars 2024 et entre le 21 mars et le 25 mars 2024
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Janvier 2025
Plainte
1 Mon Bureau a reçu une plainte alléguant que le Conseil du Canton de The North Shore (le « Canton ») a contrevenu à la Loi de 2001 sur les municipalités[1] (la « Loi ») en tenant une rencontre informelle immédiatement après la réunion du 20 mars 2024 ainsi que dans les jours suivants.
2 Mon enquête a révélé qu’un quorum de membres du Conseil a discuté de façon informelle après la réunion du 20 mars 2024. Il y a aussi eu participation d’un quorum à des discussions de groupe, par messages textes, les 24 et 25 mars 2024. Toutefois, même si ces discussions étaient entre des membres du Conseil formant quorum, elles ne constituaient pas des « réunions » régies par les règles des réunions publiques, puisque les membres n’ont pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du Conseil.
Compétence de l’Ombudsman
3 La Loi dispose que toutes les réunions d’un conseil ou d’un conseil local et de leurs comités doivent être ouvertes au public, sauf si les exceptions prévues par la Loi s’appliquent.
4 Depuis le 1er janvier 2008, la Loi accorde à quiconque le droit de demander une enquête visant à déterminer si une municipalité ou un conseil local a respecté ou non la Loi en se réunissant à huis clos. La Loi fait de l’Ombudsman l’enquêteur par défaut pour les municipalités qui n’ont pas désigné le(la) leur.
5 L’Ombudsman enquête sur les réunions à huis clos du Canton de The North Shore.
6 Lorsque nous enquêtons sur des plaintes concernant des réunions à huis clos, nous cherchons à savoir si les exigences relatives aux réunions publiques énoncées dans la Loi et le règlement de procédure municipal ont été respectées.
7 Depuis 2008, mon Bureau a enquêté sur des centaines de réunions à huis clos. Pour aider les conseils municipaux, le personnel municipal et le public, nous avons créé un recueil en ligne des cas de réunions publiques. Ce recueil interrogeable vise à permettre aux intéressé(e)s d’accéder facilement aux décisions de l’Ombudsman et à ses interprétations des règles des réunions publiques. Les membres du Conseil et le personnel peuvent consulter ce recueil pour éclairer leurs discussions et leurs décisions afin de déterminer si certaines questions devraient ou pourraient être discutées à huis clos, ainsi que pour examiner les questions liées aux procédures des réunions publiques. Des résumés des décisions antérieures de l’Ombudsman sont consultables dans ce recueil : www.ombudsman.on.ca/digest/recueil-de-cas-reunions-municipales-accueil.
8 L’Ombudsman de l’Ontario est également habilité à réaliser des examens et enquêtes impartiaux concernant des centaines d’organismes publics. Cela comprend les municipalités, les conseils locaux et les sociétés contrôlées par des municipalités ainsi que les organismes gouvernementaux provinciaux, les universités financées par les fonds publics et les conseils scolaires. Il peut aussi examiner les plaintes sur les services fournis par les sociétés d’aide à l’enfance et les titulaires de permis d’établissement, et sur les services en français fournis aux termes de la Loi sur les services en français. Pour en savoir plus sur les organismes relevant de notre Bureau, consultez le site www.ombudsman.on.ca/portez-plainte/champ-de-surveillance.
Processus d’enquête
9 Le 11 avril 2024, mon Bureau a informé le Canton de son intention d’enquêter sur la plainte.
10 Les membres de l’équipe de mon Bureau chargée des réunions publiques ont examiné le règlement de procédure du Canton ainsi que la documentation afférente à la réunion du 20 mars 2024, y compris l’ordre du jour, le procès-verbal et l’enregistrement vidéo de la séance publique. Nous avons aussi obtenu et examiné les documents pertinents, notamment les messages textes échangés entre les membres du Conseil. Nous avons parlé avec la greffière et les cinq membres du Conseil.
11 Mon Bureau a obtenu une pleine coopération pendant son enquête.
Réunion du Conseil du 20 mars 2024
12 Le 20 mars 2024 à 18 h, le Canton a tenu, en format hybride, une réunion ordinaire du Conseil. Deux membres du Conseil y assistaient par Zoom, et les autres, ainsi que la greffière, étaient sur place, dans la salle du Conseil. La séance a été levée à 18 h 31.
13 À la fin de la réunion, la greffière et les trois membres du Conseil présent(e)s dans la salle ont discuté brièvement.
14 Les personnes présentes nous ont dit que la discussion avait duré de cinq à dix minutes, et qu’il n’avait été question d’aucune mesure concrète. Le maire et la greffière se souvenaient d’avoir discuté de l’éventuelle annulation d’une réunion du Conseil prévue pour le 25 mars 2024, mais rien n’avait été décidé. Les deux autres membres du Conseil qui étaient là ne se rappelaient pas en avoir parlé.
Analyse
La discussion ayant suivi la réunion du Conseil du 20 mars 2024 ne constituait pas une « réunion » au sens de la Loi
15 Selon le paragraphe 238(1) de la Loi de 2001 sur les municipalités, on entend par « réunion » une réunion ordinaire, extraordinaire ou autre d’un conseil municipal, d’un conseil local ou d’un comité de l’un ou de l’autre, au cours de laquelle, à la fois « le quorum est atteint, et les membres discutent ou traitent autrement d’une question d’une manière qui fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du conseil ou du comité[2] ».
16 Le Conseil du Canton de The North Shore se compose d’un(e) maire(esse) et de quatre conseiller(ère)s. Trois membres du Conseil étaient présent(e)s à la discussion après la réunion du 20 mars 2024, donc il y avait quorum.
17 Le deuxième critère pour savoir si une réunion a eu lieu tient au fait que le Conseil a fait avancer de façon importante ses travaux ou sa prise de décision. Mon Bureau a déclaré que pour interpréter l’expression « fait avancer de façon importante », il faut examiner dans quelle mesure les discussions ont fait avancer les travaux de la municipalité, en fonction d’indicateurs factuels[3]. Les discussions, débats ou décisions visant à obtenir des résultats précis, ou à persuader les décideur(euse)s d’une façon ou d’une autre, sont susceptibles de « faire avancer de façon importante » les travaux ou la prise de décision d’un conseil, mais il est peu probable que le simple fait de recevoir ou d’échanger de l’information les « fasse avancer de façon importante »[4].
18 En l’espèce, la discussion a été courte. Les membres du Conseil n’ont pas parlé de mesures concrètes à adopter, ni de travaux en cours ou d’une prise de décision. On nous a dit que la discussion, brève, concernait l’annulation d’une réunion à venir, quoique les membres du Conseil n’aient pris aucune décision à ce sujet.
19 Cette discussion n’a pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du Conseil, donc ne constituait pas une « réunion » aux fins des règles des réunions publiques prévues par la Loi.
Échange de messages textes les 24 et 25 mars 2024
20 La plainte alléguait qu’après la réunion du 20 mars 2024, des membres du Conseil formant quorum avaient discuté de l’annulation de réunions prévues pour le 25 mars, le 2 avril et le 3 avril 2024, sans se soucier des règles des réunions publiques.
21 Le maire nous a dit avoir parlé d’annuler la réunion du 25 mars 2024 avec un(e) membre du Conseil, et séparément avec la greffière. Le 21 mars 2024, la greffière a publié un avis précisant que le maire avait annulé la réunion initialement prévue pour le 25 mars 2024.
22 Les 24 et 25 mars 2024, le maire et trois membres du Conseil ont échangé en groupe des messages textes sur la possible annulation des réunions des 2 et 3 avril 2024. Un(e) membre n’était pas dans cet échange. Le 24 mars 2024, le maire a envoyé au groupe un message texte pour annoncer que tout le Conseil (sauf la personne exclue de l’échange de messages textes) était d’accord pour annuler les réunions. Un membre a répondu au maire pour lui signifier son accord.
23 Le lendemain, le maire a demandé à la greffière de publier un avis d’annulation des réunions des 2 et 3 avril 2024 sur le site Web du Canton. La greffière a publié cet avis, indiquant que les réunions avaient été annulées par le maire et le Conseil.
24 Après la publication en ligne de l’avis d’annulation, le maire a envoyé un autre message texte aux trois mêmes membres du Conseil, indiquant qu’il mettait les réunions sur pause, et invitant les autres membres à s’exprimer sur le sujet. Un conseiller a posé des questions sur le contenu de l’avis d’annulation. Cette personne et le maire ont discuté de l’avis dans un échange de messages textes.
Analyse
Quorum ou non des membres du Conseil ayant discuté par messages textes les 24 et 25 mars 2024
25 Dans sa définition du terme « réunion », la Loi exige la présence d’un quorum de membres à une réunion[5]. La question en l’espèce est de savoir si « le quorum est atteint » aux fins de la Loi quand les membres communiquent ensemble par voie électronique, notamment au moyen de messages textes.
26 Des modifications apportées à la Loi en 2020 permettent aux membres d’un conseil de compter dans le quorum quand ils(elles) participent à une réunion par voie électronique[6]. Mon Bureau a déjà jugé qu’aux fins d’une réunion électronique, le « lieu » est électronique[7] et les membres peuvent être [TRADUCTION] « présents » lorsqu’ils(elles) se réunissent de façon virtuelle pour discuter des travaux et les faire avancer. Par exemple, j’ai conclu que les membres d’un conseil peuvent être présents et faire quorum quand la discussion se tient par vidéoconférence[8].
27 Quand des membres du Conseil s’échangent des communications électroniques comme des messages textes, ils(elles) sont présent(e)s dans un lieu électronique, et cela satisfait à l’exigence de présence énoncée par la Loi dans la définition de « réunion ».
28 Les 24 et 25 mars 2024, quatre membres du Conseil ont discuté en groupe par messages textes. Quatre des cinq membres du Conseil étaient dans cet échange, donc il y avait quorum.
Les messages textes de groupe n’ont pas fait avancer de façon importante les travaux ou la prise de décision du Conseil
29 Comme il a été précisé plus haut, les discussions, débats ou décisions visant à obtenir des résultats précis, ou à persuader les décideur(euse)s d’une façon ou d’une autre, sont susceptibles de « faire avancer de façon importante » les travaux ou la prise de décision d’un conseil municipal, mais il est peu probable que le simple fait de recevoir ou d’échanger de l’information les « fasse avancer de façon importante ».
30 D’après le règlement de procédure du Canton, le(la) maire(esse) peut annuler une réunion en consultation avec le(la) greffier(ère) dans des cas précis, notamment quand la réunion n’est plus nécessaire[9]. Ce règlement n’exige pas que le(la) maire(esse) consulte les membres du Conseil au sujet de cette décision.
31 En l’espèce, le maire nous a dit avoir utilisé son pouvoir conféré par le règlement de procédure pour annuler les réunions, mais estimer important que les conseiller(ère)s aient voix au chapitre. Il en a donc consulté certain(e)s, car il préférait annuler les réunions en sachant les autres d’accord avec sa décision.
32 Le règlement de procédure autorisant le maire à annuler une réunion unilatéralement, il n’avait nul besoin de convaincre les autres membres du Conseil ni d’obtenir leur consensus pour annuler les réunions. En fait, il a demandé à la greffière de les annuler sans attendre les réponses d’une majorité de membres. Par conséquent, ses messages textes de groupe concernant l’annulation des réunions n’ont pas fait avancer de façon importante les travaux du Conseil.
Discussions individuelles avec le maire
33 Le 21 mars 2024, le maire s’est entretenu avec un(e) membre du Conseil. Les 25 et 26 mars 2024, il a échangé des messages textes individuels avec un(e) autre. Puisque deux membres du Conseil seulement ont participé à chaque discussion, le quorum n’a pas été atteint dans un cas comme dans l’autre. Par conséquent, ces communications individuelles du maire avec des membres du Conseil ne constituaient pas une réunion.
34 Mon Bureau a toujours reconnu qu’il était important pour le processus démocratique que les élu(e)s puissent communiquer ensemble en dehors des réunions officielles :
Précisons clairement que la Loi de 2001 sur les municipalités n’impose aucunement aux membres d’un conseil l’interdiction complète de discuter des activités municipales en dehors de la salle de réunion du conseil. Dans une démocratie, il est bon que les responsables gouvernementaux échangent officieusement des renseignements avant de prendre des décisions de politique. Je suis tout à fait d’accord qu’il serait irréaliste de vouloir que les membres d’un conseil ne se parlent jamais en dehors des réunions publiques et qu’une telle attente aurait inutilement un effet d’intimidation[10].
Avis
35 Mon enquête m’a amené à conclure que le Conseil du Canton de The North Shore n’a pas contrevenu à la Loi de 2001 sur les municipalités lorsque des membres du Conseil faisant quorum ont discuté officieusement en personne après la réunion du 20 mars 2024, puis les 24 et 25 mars 2024 par messages textes de groupe, car ces membres du Conseil n’ont pas fait avancer de façon importante les travaux du Conseil.
36 J’ai également conclu que les discussions individuelles entre le maire et des membres du Conseil, en personne et par message texte, ne constituaient pas une infraction à la Loi parce qu’il n’y avait pas quorum.
37 Bien que mon enquête ait conclu que le Conseil du Canton de The North Shore n’a pas contrevenu à la Loi de 2001 sur les municipalités, nous recommandons au Conseil, à titre de pratique exemplaire, de porter attention au fait que les communications écrites par voie électronique, comme les messages textes, entre membres du Conseil faisant quorum pourraient constituer une réunion. À l’avenir, le Conseil devrait user de prudence lorsqu’il a recours à ces modes de communication pour éviter de contrevenir à la Loi par inadvertance.
Rapport
38 Le Conseil du Canton de The North Shore a pu examiner une version préliminaire du présent rapport et la commenter pour mon Bureau. Nous n’avons reçu aucun commentaire.
39 La greffière a indiqué que mon rapport serait communiqué au Conseil et mis à la disposition du public lors d’une prochaine réunion du Conseil. Ce rapport sera aussi publié sur notre site Web au www.ombudsman.on.ca.
________________________
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] L.O. 2001, chap. 25.
[2] Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, chap. 25, paragraphe 238(1).
[3] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’une rencontre tenue par les membres du conseil de la Municipalité de Casselman le 27 mai 2021, (août 2022), paragraphe 26, en ligne.
[4] Ibid.
[5] Supra, note 2.
[6] Ibid., paragraphes 238(3.1) à (3.3).
[7] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur des plaintes à propos de réunions tenues par le conseil du Canton de McKellar les 24 août et 31 août, le 9 septembre 2021 et le 12 avril 2022, (janvier 2023), paragraphe 48, en ligne.
[8] Ombudsman de l'Ontario, Enquête sur une plainte à propos d’un appel des membres du Conseil de la Municipalité de Casselman le 26 janvier 2021, (janvier 2024), en ligne.
[9] Canton de The North Shore, règlement no 19-13, Council Procedural By-Law (1er mai 2019), article 4.6.
[10] Ombudsman de l'Ontario, Enquête visant à déterminer si des membres du Conseil de la Ville de London ont tenu indûment une réunion à huis clos le 23 février 2013, (octobre 2013), paragraphe 25, en ligne.